Cass. crim., 23 juin 2021, n° 20-84820 (violences conjugales)

Par cet arrêt, la Cour de cassation témoigne d’une prise de conscience de la gravité des violences conjugales et d’une volonté de protéger les victimes et de sanctionner les auteurs. Elle s’inspire des recommandations du Conseil de l’Europe et des conventions internationales relatives aux droits des femmes et à la prévention de la violence domestique . Elle contribue ainsi à lutter contre ce phénomène qui constitue une violation des droits humains et une entrave à l’égalité entre les sexes.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. [T], condamné à un an d’emprisonnement avec sursis pour des faits de violences conjugales commis sur sa compagne, Mme [U]. Le prévenu invoquait un défaut de motivation de la peine prononcée par la cour d’appel, qui n’aurait pas tenu compte de sa situation personnelle. La Cour de cassation a estimé que la cour d’appel avait justifié sa décision en se fondant sur la gravité des faits, la personnalité du prévenu et les éléments de son contexte familial et professionnel.

Cette jurisprudence s’inscrit dans la lutte contre les violences conjugales, qui sont considérées comme une atteinte grave aux droits fondamentaux des victimes et à l’égalité entre les femmes et les hommes. La loi du 9 juillet 2010 a renforcé la répression de ces violences, en créant notamment une circonstance aggravante lorsque l’auteur est ou a été le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. La loi du 28 décembre 2019 a complété ce dispositif, en instaurant un bracelet anti-rapprochement pour protéger les victimes et en prévoyant une formation spécifique des magistrats et des professionnels de santé sur la prise en charge des violences conjugales.

La jurisprudence de la Cour de cassation a également évolué pour sanctionner plus sévèrement les auteurs de violences conjugales et pour reconnaître le préjudice subi par les victimes. Ainsi, la Cour de cassation a affirmé que les violences conjugales ne peuvent être considérées comme des faits isolés, mais doivent être appréhendées dans leur globalité et leur répétition, qui traduisent un rapport de domination et d’emprise de l’auteur sur la victime. Elle a aussi jugé que les violences conjugales peuvent constituer un harcèlement moral, même en l’absence de dégradation des conditions de travail de la victime. En outre, la Cour de cassation a reconnu le droit à réparation du préjudice d’angoisse de mort imminente pour les victimes de violences conjugales qui ont craint pour leur vie.

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° J 20-84.820 F-D
N° 00817
ECF
23 JUIN 2021
REJET
M. SOULARD président,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
_______________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_______________________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 JUIN 2021

M. [Z] [T] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 5-5, en date du 29 juillet 2020, qui, pour violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à huit jours et n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail, aggravées, l’a condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [Z] [T], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 mai 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 8 mai 2019, Mme [W] [U] a déposé plainte au commissariat de police de [Localité 1] contre son compagnon, M. [Z] [T] pour des faits de violences conjugales commis les 1er mars et 17 avril 2019.
3. M. [T] a invoqué un état de légitime défense, assurant qu’il s’était contenté de maîtriser la violence de sa compagne.
4. Par jugement du 25 juin 2019, le tribunal correctionnel de Grasse, saisi dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate, a déclaré M. [T] coupable des faits de violences volontaires par personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, sans incapacité de travail s’agissant des faits du 1er mars 2019 et ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à huit jours s’agissant des faits du 17 avril 2019, et l’a condamné à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
5. Le 26 juin 2019, M. [T] a relevé appel des dispositions pénales et civiles de cette décision. Le même jour, le ministère public a formé appel incident.

Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné M. [T] à un an d’emprisonnement avec sursis alors « qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu’en se bornant à énoncer, pour prononcer une peine d’emprisonnement, que les faits sont d’une gravité certaine et avérée, s’agissant de violences conjugales répétées et que les éléments relatifs à la personnalité du prévenu apparaissent préoccupants sans s’expliquer sur la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 485-1 du code de procédure pénale, 132-1 et 132-20 du code pénal. »

Réponse de la Cour

8. Pour condamner le prévenu à un an d’emprisonnement avec sursis, l’arrêt retient que les faits sont d’une gravité certaine et avérée, s’agissant de violences conjugales répétées, que les éléments de sa personnalité sont préoccupants du fait de sa rigidité violente et de son absence de remise en cause.

9. L’arrêt indique aussi que le prévenu est psychiatre, qu’il a 35 ans, qu’il n’a jamais été condamné, demeure à [Localité 1], et vit en concubinage. La cour d’appel ajoute que la compagne du demandeur a déclaré que des difficultés sont apparues dans le couple, pendant qu’elle était enceinte, et que le prévenu a l’habitude de s’absenter et de rentrer sous l’emprise de l’alcool et de substances stupéfiantes. Les juges relèvent encore que l’expertise psychiatrique de M. [T] précise qu’il ne contrôle pas son ressentiment envers sa compagne, qu’il inverse les rôles de manière quasi-perverse, se présentant comme victime d’une femme manipulatrice et sans scrupules. Ils soulignent que cette attitude est d’autant plus préoccupante que le prévenu dispose de ressources intellectuelles et sociales lui permettant d’appréhender directement la réalité.

10. En l’état de ces motifs dénués d’insuffisance, la cour d’appel a justifié sa décision.

11. Le moyen ne peut donc être admis.

12. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois juin deux mille vingt et un.