L’époux qui a formé une demande en divorce peut lui substituer, même en appel, une demande en séparation de corps.
Suite à l’assignation en divorce pour faute de son épouse, un mari a déposé une demande reconventionnelle en divorce fondée sur les fautes de la demanderesse. Sa demande est rejetée et le juge aux affaires familiales prononce le divorce à ses torts exclusifs.
Il décide alors d’interjeter appel, mais en substituant à sa demande reconventionnelle initiale, optant pour une demande en séparation de corps en lieu et place de sa demande en divorce pour faute.
Dans un arrêt du 22 juin 2011, la Cour d’appel de Poitiers déclare sa demande irrecevable du fait que celle-ci a été formulée pour la première fois en cause d’appel. Sur pourvoi de l’époux, la Première Chambre civile casse l’arrêt d’appel sur la base de l’article 1076 alinéa 1er du Code de procédure civile. Celui-ci expose en effet que « l’époux qui a formé une demande en divorce peut lui substituer, même en appel, une demande en séparation de corps ».
Une telle application ne peut qu’emporter notre approbation. Elle vient en outre confirmer l’interprétation qui était celle de la doctrine en la matière.

On peut substituer à sa demande en divorce une demande en séparation de corps

Il est un principe simple en matière contentieuse de considérer que si un époux fait une demande en divorce pour faute, son conjoint a la possibilité de présenter une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal ou une demande reconventionnelle en divorce pour faute en invoquant les fautes du demandeur.
Dans le premier cas, si le défendeur démontre qu’il n’a pas commis de faute comme le prétend le demandeur, le divorce sera prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que soit nécessaire de démontrer, comme à titre principal, une séparation continue de plus de deux années.
Dans le second cas, le juge aux affaires familiales accueille les deux demandes en divorce pour faute et prononce le divorce aux torts partagés (solution qui était celle de cette espèce en première instance).
Une autre solution consiste à ne pas répondre sur le terrain du divorce, mais sur celui de la séparation de corps. L’article 296 du Code civil prévoit en effet que « la séparation de corps peut être prononcée à la demande de l’un des époux dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que le divorce ». L’époux contre qui est formée une demande en divorce peut présenter une demande reconventionnelle en séparation de corps l est alors de principe pour le juge de vérifier si les conditions du divorce telles qu’énoncées par le demandeur sont réunies. Si tel n’est pas le cas, il étudie alors la demande de séparation de corps. Si celle-ci est valable, la séparation de corps sera prononcée en lieu et place du divorce.
La Cour d’appel rejette cette demande, la considérant irrecevable sur la base de l’article 564 du Code de procédure civile. Cet article indique en effet que « les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ».
Si cette interprétation pouvait sur se seul texte se comprendre, c’était sans oublier certaines dispositions spéciales, dont l’article 1076 du Code civil sur lequel se fonde justement la Cour de cassation et qui déroge expressément à cet article :
« L’époux qui présente une demande en divorce peut, en tout état de cause, et même en appel, lui substituer une demande en séparation de corps ». 
Dès lors, il ne faisait aucun doute que le Cour de Cassation ne pouvait que casser l’arrêt rendu par la Cour d’Appel et renvoyer le dossier pour son analyse au fond.
 
 

Substituer une demande en divorce par une demande en séparation de corps est possible tant à titre principal qu’à titre reconventionnel

Si cette cassation est somme toute logique s’agissant de la substitution de la demande de divorce par une demande de séparation de corps, l’intérêt de l’arrêt vient de la clarification qu’il apporte lorsque cette demande de substitution se fait non pas à titre principal (en tant que demandeur) mais à titre reconventionnel (en tant que défendeur).
La Cour de Cassation aurait pu considérer que l’article 1076 du Code de Procédure civile s’appliquait uniquement au demandeur puisqu’en l’occurrence il indique que c’est « l’époux [qui] présente une demande de divorce [qui] peut lui substituer une demande en séparation de corps ».
Tel n’est pas le cas le cas en l’espèce et l’interprétation de la Cour ne peut – encore une – qu’être saluée, puisqu’elle permet en tout état de cause une égalité des armes entre demandeur et défendeur à l’instance.
D’un point de vue strictement procédural, cette solution ne peut là encore qu’être approuvée.
Deux raisons viennent à son appui :

  • il est d’usage de considérer qu’il n’y a pas lieu de distinguer dans la loi là où il n’y a pas de distinction (rappelons l’adage ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus
  • la nature-même de la demande reconventionnelle qui se veut disposer selon les propres mots du Professeur Jean-René BINET, la « demande reconventionnelle […] a la même nature qu’une demande principale » (J.-R. Binet, De l’intérêt pour l’héritier poursuivi de bien choisir sa défense – À propos de l’arrêt Cass. 1re civ., 3 déc. 2002 : Dr. famille 2003, chron. 28). Comme toujours dans ce cas de figure, la nature emportant le régime, il n’y a pas lieu d’appliquer à la demande reconventionnelle un régime différent de celui de la demande principale.

Rappelons enfin pour en terminer avec l’analyse de l’article 1076 alinéa 2 du Code procédure civile que l’époux qui a formé une demande en séparation de corps ne peut lui substituer une demande en divorce.