Le motif du licenciement économique défini par la loi

L’article L. 1233-3 du Code du travail donne une définition du licenciement économique.

Pour qu’un licenciement soit considéré comme ayant une cause économique, il faut que les motifs :

  • ne soient pas inhérents à la personne du salarié : la « personne » du salarié ne doit pas entrer en compte.
  • résultent d’une suppression ou transformation d’emploi ou bien du refus d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail consécutifs notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

C’est donc le poste de travail qui compte : soit le travail à effectuer change, soit les conditions de ce travail se modifient notoirement (par exemple, changement important d’affectation, d’horaires de travail, forte réduction de la rémunération, changement géographique du lieu de travail).

Le licenciement doit être « provoqué » par des circonstances extérieures, économiques, techniques et non « voulu » par l’employeur : il faut donc un motif du licenciement économique.

L’article L. 1233-4 stipule également qu’un licenciement économique ne peut intervenir qu’à partir du moment où tous les efforts de formation et d’adaptation du salarié ont été réalisés et que son reclassement sur un emploi de même catégorie ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération également équivalente (ou de catégorie inférieure, sur accord exprès de l’intéressé) dans l’entreprise ou le groupe s’est révélé impossible.

Les offres de reclassement doivent être précises et proposées par écrit. Les entreprises ayant des implantations hors de France doivent demander au salarié s’il accepte de recevoir des offres de reclassement à l’étranger et à quelles conditions (restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts en matière de rémunération et de localisation).

Le salarié doit signifier son accord, assorti de restrictions le cas échéant, dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur. L’absence de réponse équivaut à un refus de toute offre de reclassement à l’étranger.

Les offres de reclassement à l’étranger, écrites et précises, ne sont adressées qu’aux salariés ayant accepté d’en recevoir et compte tenu des restrictions qu’ils ont pu exprimer. Chaque salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n’est adressée est informé de l’absence d’offres correspondant à celles qu’il a accepté de recevoir.

Cette obligation de reclassement préalable pèse sur tous les employeurs quels que soient l’effectif de l’entreprise, le nombre de salariés concernés et l’existence ou non d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

A défaut, le licenciement sera considéré comme abusif.

Lorsqu’une procédure de licenciement économique est engagée simultanément dans plusieurs entreprises d’un même groupe et que les salariés des différentes entreprises se trouvent en concurrence sur des postes de reclassements disponibles, priorité est donnée, à qualification comparable, aux salariés de l’entreprise au sein de laquelle se trouvent les postes disponibles.

Le motif du licenciement économique : l’interprétation par les tribunaux

Cette définition légale permet de clarifier la notion de motif du licenciement économique et d’éviter les « motifs déguisés ».

De même, un salarié qui refuse une modification d’un élément essentiel de son contrat de travail peut être licencié pour raison économique et non pour faute, si cette modification est due notamment à des circonstances économiques ou technologiques.

Les conseils de prud’hommes importants comportent plusieurs chambres au sein de chaque section, dont une compétente pour les litiges relatifs aux licenciements économiques.

En cas de litige sur un licenciement, le juge se prononce en premier lieu sur la nature du licenciement, économique ou non, car la procédure de licenciement n’est pas la même. Puis il statue sur le litige de fond proprement dit.

Pour les tribunaux, le motif économique, quelles qu’en soient les circonstances, ne doit pas être inhérent à la personne du salarié. Ainsi n’a pas été jugée comme un motif économique l’inaptitude professionnelle de deux salariés, invoquée par l’employeur, pour leur refuser la possibilité d’occuper les emplois modifiés par la mutation technologique de l’entreprise.

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser la notion de « suppression d’emploi » dans une série de décisions rendues le même jour.

Ainsi a-t-elle jugé que l’existence d’une suppression d’emploi consécutive à une mutation technologique constitue un motif du licenciement économique justifiant le licenciement de la salariée concernée.

C’est aussi ce qu’elle a jugé à propos d’un employeur qui, en présence des difficultés économiques rencontrées, avait dû procéder à une restructuration et à une réduction des dépenses et des effectifs. Les juges avaient retenu qu’il résultait des organigrammes versés aux débats que le salarié licencié n’avait pas été remplacé à son poste. Elle a cassé la décision d’une cour d’appel qui, pour débouter une salariée, assistante pharmacienne, de ses demandes d’indemnités, a énoncé que la réalité du motif économique ne supposait pas que soient établies cumulativement l’existence d’un motif conjoncturel ou structurel et la suppression d’un emploi. La cour d’appel admettait que, dans le but d’alléger les frais, l’employeur avait pu remplacer la salariée concernée par un assistant d’un coefficient inférieur, l’économie ainsi réalisée constituant un motif économique. La Cour de cassation ne l’a pas admis, car la salariée licenciée pour un prétendu motif économique avait été remplacée par un autre salarié occupant le même emploi.

C’est aussi ce qui a été jugé à propos d’un salarié, menuisier qualifié, licencié pour motif économique alors que les ouvriers étaient polyvalents et que, quelques jours après l’expiration du préavis de l’intéressé, un ouvrier avait été engagé sous contrat à durée déterminée. Il en a été jugé de même pour un comptable employé à mi‑temps. Le prétexte qu’il coûtait trop cher dans une entreprise où les profits étaient considérables ne peut, selon les juges, être considéré comme un motif économique. Ne constitue pas non plus un motif économique le licenciement d’un directeur d’usine qui avait été immédiatement remplacé.

Depuis cette série d’arrêts, les tribunaux vérifient conformément à cette jurisprudence que l’emploi est bien supprimé pour que le licenciement soit fondé sur un motif économique. Ainsi s’agissant d’un ouvrier coiffeur licencié pour ce motif alors que l’examen des comptes révélait une légère baisse d’activité avec une amélioration au cours des trois derniers mois et que l’employeur avait, au moment du licenciement prononcé pour suppression de poste, embauché deux nouveaux salariés avec la même qualification de coiffeur. En général, le licenciement économique doit être motivé soit par des mutations technologiques soit par les difficultés financières subies par l’entreprise. Cependant, la Cour de cassation considère également comme licenciement économique des suppressions d’emplois effectuées dans le cadre d’une réorganisation liée à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise. On considère alors que l’employeur anticipe, en quelque sorte, les difficultés financières à venir. Pour ce faire, il faut que l’employeur justifie de la menace pesant sur la compétitivité de son entreprise. Ne peuvent être considérés comme économiques des licenciements intervenus, dans un contexte économique favorable, dans le but non pas de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise mais de l’améliorer.

Ces règles s’appliquent également en cas de délocalisation. Si l’entreprise transfère ses activités effectuées en France vers un autre site à l’étranger, le licenciement économique est fondé lorsque cette décision a été motivée par le souci de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise . Le caractère économique du licenciement n’est, en revanche, pas reconnu lorsque cette délocalisation résulte d’une simple recherche d’économie.

La Cour de cassation a également considéré que la fermeture définitive d’une entreprise pouvait, en elle-même, constituer un motif de licenciement économique, même si cette cessation d’activité n’était pas due à des difficultés économiques. Il s’agissait, en l’espèce, de la fermeture définitive d’un restaurant, consécutive au non-renouvellement du bail commercial par le propriétaire des locaux. Seule restriction émise par les juges : la cessation d’activité ne doit pas être due à une faute ou à la légèreté de l’employeur.

CAS PARTICULIER DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

Les tribunaux considèrent que les licenciements de salariés dans le bâtiment et les travaux publics, prononcés en raison de la fin des chantiers sur lesquels ils étaient affectés, ne constituent pas des licenciements pour motif économique dès lors qu’il s’agit d’une mesure ayant un caractère normal selon la pratique habituelle de la profession.

Ce sont en effet des salariés titulaires d’un contrat à durée indéterminée mais embauchés spécialement pour un chantier. En revanche, certains travailleurs sont affectés à une série de chantiers ; lorsqu’en raison d’un ralentissement dans la branche d’activité, aucun nouveau chantier ne s’ouvre et provoque le licenciement de salariés, il y a là une cause conjoncturelle motivant une procédure de licenciement économique.

Il en a été jugé ainsi à propos du licenciement d’un salarié à la fin du chantier sur lequel il travaillait ; l’employeur prétendait qu’il était fondé sur une cause réelle et sérieuse de nature économique, car il ne pouvait pas réemployer l’intéressé dans le groupe alors qu’il y avait été employé pendant dix-huit ans. La Cour de cassation a estimé que le motif économique n’était pas caractérisé.

CAS PARTICULIER DES CONTRATS D’EXPORT

La loi pour la cohésion sociale du 19 janvier 2005 donne la possibilité aux entreprises de créer, par accord collectif de branche ou d’entreprise, un type de contrat spécifique pour la réalisation des missions effectuées en majeure partie hors du territoire national pendant six mois minimum.

Le contrat d’export est un contrat à durée indéterminée de droit commun. Sa rupture à l’issue de la mission n’est cependant pas soumise à la procédure de licenciement économique. Cependant, selon l’article L. 1233-6 du Code du travail, en un tel cas, le salarié a tout de même droit à une indemnité de licenciement dont le montant, fixé par l’accord, ne peut être inférieur à l’indemnité légale de licenciement quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise.

ATTENTION :

Toute rupture du contrat intervenant dans le cadre de difficultés économiques de l’entreprise est soumise à la procédure prévue pour les licenciements économiques. En cas de départ en retraite, l’indemnisation est toutefois dif­férente selon que celui-ci est volontaire ou imposé par l’employeur.