Un employeur est informé qu’un de ses salariés va être incarcéré pour des faits commis dans le cadre de sa vie privée. Comment doit-il réagir ? Peut-il licencier le salarié au motif qu’il est incarcéré ? Cette situation est délicate est doit être approchée avec beaucoup de précautions.

Les effets de l’incarcération du salarié sur le contrat de travail

L’incarcération du salarié n’emporte pas rupture automatique du contrat de travail. Il ne s’agit pas d’un cas de force majeure, mais d’un motif légitime d’absence, et l’absence du salarié ne constitue pas une présomption de démission de sa part. Le contrat de travail est maintenu et suspendu pendant toute la durée de l’absence. L’employeur ne sera pas tenu au versement de la rémunération.

Néanmoins, le salarié est tenu d’informer l’employeur de son incarcération, même de courte durée. S’il ne le fait pas, il s’expose à des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. Il doit également l’informer du vrai motif de son absence, son mensonge justifiant un licenciement pour faute grave: par exemple, un salarié a tenté de tromper son employeur en prétextant qu’il était soumis à des épreuves de présélection militaire pour deux jours, alors qu’il avait en réalité été placé en détention provisoire suite à une agression sexuelle.

Les conditions relatives au licenciement

En principe, l’employeur ne peut pas licencier un salarié au motif qu’il a été placé en détention provisoire ou qu’il a été incarcéré car il s’agit d’un fait relevant de la vie personnelle du salarié. La Cour de cassation a rendu plusieurs décisions en ce sens, en faveur de la protection du salarié incarcéré, et les licenciements prononcés ont été jugés sans cause réelle et sérieuse. Par exemple, un agent de service ayant été condamné à une incarcération, il a prévenu son employeur qui l’a licencié 15 jours après; l’employeur aurait dû, pour que le licenciement soit valable, expliquer en quoi l’incarcération du salarié perturbait le bon fonctionnement de l’entreprise.

Cependant, il est légitime de prendre en compte les intérêts de l’entreprise dans la mesure où le salarié est absent à son poste de travail, et ne peut donc exécuter son contrat de travail ce qui peut être source de désorganisation dans l’entreprise. La Cour de cassation admet que l’incarcération puisse justifier le licenciement, à condition que l’employeur prouve:

  • soit, si les faits sont liés directement ou indirectement à l’activité professionnelle du salarié, que ce dernier a commis une faute ou que les faits ont été commis au préjudice de l’employeur;
  • soit, si les faits relèvent de la vie personnelle du salarié, que l’incarcération cause un trouble caractérisé au sein de l’entreprise, c’est-à-dire qu’elle emporte des effets sur l’activité de l’entreprise.

Par exemple, les juges ont décidé que le licenciement du salarié, qui avait eu un comportement violent et une altercation en dehors du lieu de travail, mais a été arrêté sur le lieu de travail, était justifié.

La durée de l’incarcération peut également justifier un licenciement, si l’employeur se trouve dans l’impossibilité de remplacer le salarié.