Le Tribunal général de l’Union européenne annule les décisions de la Commission Européenne concernant les aides d’État en Espagne. Ces décisions portaient sur la légalité d’un régime fiscal espagnol permettant la déduction des acquisitions de participations dans des sociétés étrangères. L’article explore les détails de cette affaire, y compris les arguments juridiques avancés par l’Espagne et les entreprises concernées. Cette victoire espagnole souligne l’importance de la sécurité juridique et de la protection des attentes légitimes dans les affaires de droit fiscal européen.

Le Tribunal de Première Instance annule la décision de la Commission déclarant le régime fiscal espagnol relatif à la déduction des acquisitions indirectes de participations dans des sociétés étrangères contraire au droit communautaire.

Le régime fiscal espagnol de déduction des acquisitions indirectes de participation dans des sociétés étrangères

En 2002, l’Espagne a introduit un nouveau régime fiscal pour les sociétés. Ce régime permettait aux entreprises ayant acquis des participations dans une société étrangère de déduire de la base fiscale, sous forme d’amortissement, la survaleur résultant de l’acquisition de ces participations. En réponse à des questions posées par les membres du Parlement européen, la Commission a déclaré, au début de l’année 2006, que ce régime ne relevait pas des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État. Néanmoins, à la suite d’une plainte d’un opérateur privé, la Commission a examiné de plus près le régime fiscal en question. Par décision du 28 octobre 2009, concernant les acquisitions de participations effectuées au sein de l’Union européenne, et par décision du 12 janvier 2011, concernant les acquisitions de participations dans des sociétés établies en dehors de l’Union européenne (« les décisions initiales »), elle a déclaré que les mesures en question constituaient des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur. Elle a donc ordonné aux autorités espagnoles de récupérer ces aides. Cependant, la Commission a permis au régime de continuer à s’appliquer, sous certaines conditions (principe de la protection des attentes légitimes).

Les recours introduits contre les décisions initiales par diverses entreprises ont été rejetés. En juillet 2013, la Commission a examiné une nouvelle interprétation du régime fiscal en question formalisée dans un avis contraignant envoyé par les autorités espagnoles à cette institution. Selon l’avis de la Commission, cette interprétation étendait le régime initial à la survaleur financière résultant des acquisitions indirectes de participations dans des entreprises non résidentes par le biais de l’acquisition directe de participations dans des sociétés non résidentes. Par décision du 15 octobre 2014, la Commission a conclu que cette nouvelle mesure fiscale constituait une nouvelle aide incompatible avec le marché intérieur. Par conséquent, elle a demandé à l’Espagne de mettre fin à ce régime d’aide et de récupérer les aides accordées en vertu de ce régime.

L’Espagne et plusieurs entreprises concernées ont demandé à la Cour d’annuler la décision de la Commission du 15 octobre 2014. Ils soutiennent, entre autres, que la Commission a classé à tort la nouvelle interprétation administrative comme nouvelle aide et qu’elle a enfreint, notamment, le principe de la sécurité juridique et le principe de la protection des attentes légitimes. Ces recours ont été suspendus en attendant la résolution définitive des affaires concernant les décisions initiales de la Commission.

La non-conformité au droit communautaire du régime fiscal espagnol de déduction des acquisitions indirectes de participation dans des sociétés étrangères

Dans les jugements du 27 septembre 2023, le Tribunal de première instance a confirmé ces recours et annulé la décision de la Commission du 15 octobre 2014. Le Tribunal estime, en effet, que la Commission n’était plus habilitée à adopter la décision du 15 octobre 2014, car ses décisions initiales couvraient déjà l’acquisition de participations, tant directes qu’indirectes. Le fait que dans sa décision du 15 octobre 2014, la Commission a ordonné la récupération de la totalité de l’aide accordée en vertu du régime en question, telle qu’appliquée aux acquisitions indirectes de participations, équivaut à un retrait de décisions légales, dans la mesure où les décisions initiales couvraient déjà l’acquisition indirecte de participations et leur accordaient, sous certaines conditions, le bénéfice de la protection des attentes légitimes.

Selon le Tribunal, la Commission ne pouvait pas révoquer ou retirer ses décisions initiales. Premièrement, il n’avait pas été démontré que ces décisions étaient fondées sur des informations inexactes. Deuxièmement, il s’agit de décisions légales qui conféraient à l’Espagne, sous réserve de conditions et en raison de l’existence d’attentes légitimes, un droit subjectif d’appliquer le régime d’aide en question, même s’il avait été déclaré incompatible. Accessoirement, elles conféraient aux entreprises bénéficiant de ce régime un droit subjectif de ne pas devoir rembourser certaines aides illégales. En retirant ces droits, par sa décision du 15 octobre 2014, en ce qui concerne l’acquisition indirecte de participations, la Commission a enfreint les principes de la sécurité juridique et de la protection des attentes légitimes. En tout état de cause, même si la Commission était habilitée à adopter la décision du 15 octobre 2014, elle a commis une erreur de droit en refusant de reconnaître qu’il existait une attente légitime similaire à celle reconnue dans les décisions initiales en faveur des bénéficiaires des régimes d’aide en question concernant leur acquisition indirecte de participations. En effet, les réponses que la Commission a données au début de l’année 2006 aux questions parlementaires qui lui ont été posées ont suscité de la part de l’Espagne et des bénéficiaires une attente légitime quant à la légalité du régime d’aide en ce qui concerne toutes les acquisitions de participations (directes et indirectes).

Jugements du Tribunal général dans les affaires T-826/14 | Espagne c. Commission, T-12/15 | Banco Santander et Santusa c. Commission, T-158/15 | Abertis Infraestructuras et Abertis Telecom Satélites c. Commission, T-252/15 | Ferrovial et autres c. Commission, T-253/15 | Sociedad General de Aguas de Barcelona c. Commission, T-256/15 | Telefónica c. Commission, T-257/15 | Arcelormittal Spain Holding c. Commission, T-258/15 | Axa Mediterranean c. Commission et T-260/15 | Iberdrola c. Commission.

Consulter les jugements en texte intégral :

  • T-826/14 :  Royaume d’Espagne / Commission européenne
  • T-12/15 : Recours introduit le 13 janvier 2015 – Banco Santander et Santusa / Commission,
  • T-158/15 : Recours introduit le 1er avril 2015 – Abertis Infraestructuras et Abertis Telecom Satélites / Commission
  • T-252/15 : Arcelormittal Spain Holding / Commission européenne
  • T-253/15 : Sociedad General de Aguas de Barcelona, SA / Commission européenne
  • T-256/15 : Telefónica, SA et Iberdrola, SA / Commission européenne
  • T-257/15 : Arcelormittal Spain Holding/Commission
  • T-258/15 : Axa Mediterranean / Commission
  • T-260/15 : Iberdrola, SA / Commission européenne

Consulter le communiqué de presse

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