Si une demande de divorce pour faute aux torts exclusifs est demandée par l’un des époux, en l’absence de demande reconventionnelle, le juge aux affaires familiales se doit de constater l’existence de violations graves ou renouvelées du mariage par les deux époux pour reconnaître le divorce pour faute aux torts partagés. Dans le cas contraire, il ne peut que débouter le demandeur de sa demande de divorce.
Le divorce pour faute avait été demandé en l’espèce par le mari qui reprochait à son épouse d’avoir quitté le domicile conjugal. La cour d’appel de Basse-Terre n’avait pas considéré que les faits pourtant établis constituaient en soi une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune (CA Basse-Terre, 16 avril 2012, n° 11/00828, 324). Il est vrai que la jurisprudence actuelle en matière de droit du divorce a plutôt tendance à admettre l’abandon du domicile conjugal comme faute à partir du moment où il s’accompagne d’un abandon financier. Mais, alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que la Cour d’Appel refuse de prononcer le divorce, l’épouse n’ayant pas fait de demande reconventionnelle, les juges de la Cour d’Appel de Basse-Terre ont constaté que « le couple n’exist(ait) plus » et, que l’« attitude hostile » qui émanait des pièces communiquées par le mari justifiaient le prononcé d’un divorce aux torts partagés.
Par un arrêt en date du 20 novembre 2013, la Cour de Cassation censure la décision rendue par la Cour d’Appel de Basse-Terre sur le  double visa des articles 242 et 245 alinéa 3 du Code civil.
 

Le divorce pour faute aux torts partagés nécessite le constat de fautes chez l’un comme chez l’autre des époux.

Comme son nom l’indique le divorce pour faute aux torts partagés nécessite que puissent être constatée chez le demandeur comme chez le défendeur l’existence de « violations graves ou renouvelées des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ».
Il est nécessaire dans ce type de procédure de démontrer, de fonder le divorce pour faute tant du côté du demandeur que du défendeur, même si – concernant le défendeur – les règles prévues soient moins finalement contraignantes.

Le divorce pour faute aux torts partagés peut être constaté à partir des éléments développés par le demandeur lui-même

L’article 245 du Code civil sur lequel se fonde également la Cour de Cassation allège considérablement les règles de preuve pour le défendeur. Il prévoir que les fautes commises par le demandeur peuvent être prises en compte au profit du défendeur.
Tout d’abord, à son alinéa 1er, il est  indiqué que les fautes que le demandeur déclare avoir commises ou que le juge relève à partir de ses demandes peuvent enlever « aux faits qu’il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce ».
L’alinéa 2 du même article permet également au défendeur de présenter une demande reconventionnelle en invoquant des fautes commises par le demandeur : le juge peut alors accueillir les deux demandes en divorce pour faute et prononcer, de cette façon, les torts partagés.
Enfin, s’agissant de l’alinéa 3, celui spécifiquement visé par la Cour de cassation dans cette affaire, il prévoit que « même en l’absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l’un et de l’autre ».

Le divorce pour faute aux torts partagés ne peut pas être prononcé si la demande principale en divorce aux torts exclusifs n’est pas accueillie

Que nous rappelle simplement la Cour de Cassation dans cette affaire ?
Il n’existe que trois hypothèses bien définies en cas de demande de divorce pour faute aux torts exclusifs :

  • le non-prononcé du divorce le juge considérant que les fautes invoquées par le demandeur ne sont pas des fautes au sens de l’article 242 du Code civil;
  • le prononcé du divorce aux torts partagés en relevant de manière discrétionnaire que le demandeur justifie des fautes de son conjoint mais que son conjoint démontre également à titre reconventionnel les fautes du demandeur;
  • le prononcé du divorce aux torts partagés après que soit constaté au moment des débats que chacun des époux a commis des fautes au sens de l’article 242 du Code civil.

En déclarant elle-même que les fautes invoquées à l’appui de la demande du mari n’étaient pas constitutives de fautes, la Cour d’Appel s’interdisait forcément en l’absence de toute demande reconventionnelle à prononcer le divorce, car qu’elle que soit la situation présentée, le divorce pour faute aux torts partagés impose la reconnaissance juridique de la faute de l’un et de l’autre des époux.