La France a été condamnée concernant les modalités de paiement d’une prestation compensatoire. L’absence de choix sur le moyen de régler une prestation compensatoire dans un cas de divorce est pour la Cour européenne des Droits de l’homme une violation du droit de propriété.

L’affaire Milhau c/ France (n°4944/11) concerne les modalités par lesquelles un juge peut dans le cadre d’un divorce choisir d’attribuer un bien propre de manière forcée pour le paiement de la prestation compensatoire.

Les faits à l’origine de cette condamnation de la France pour violation par les règles de la prestation compensatoire du droit de propriété

En mars 2009, dans le cadre d’une procédure de divorce, la cour d’appel confirma la fixation et le montant d’une prestation compensatoire due à la conjointe du requérant, Monsieur Bernard Milhau. Elle ordonna que cette prestation soit réglée par l’abandon par ce dernier de ses droits de propriété sur une villa lui appartenant, dont la valeur estimée était équivalente à celle de la prestation compensatoire.
Invoquant l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété), le requérant se plaint de ce que le juge du divorce lui a imposé l’abandon de ses droits de propriété sur un bien immobilier lui appartenant en propre et qu’il souhaitait conserver, au titre du paiement de la prestation compensatoire accordée à son épouse, sans possibilité de s’acquitter de cette dette par un autre moyen à sa disposition.

Pourquoi la prestation compensatoire sous forme de cession forcée d’un bien immobilier peut porter atteinte au droit de propriété

La Cour européenne des Droits de l’homme a considéré que le requérant a dû ainsi supporter une charge spéciale et exorbitante. Les juges français (Tribunal de Grande Instance et Cour d’Appel) n’ont pas pris en compte la possibilité pour le requérant de payer cette prestation compensatoire autrement et d’éviter le recours à la cession forcée de sa villa, indiquant que :

« le tribunal de grande instance et la cour d’appel ont interprété la loi interne comme les autorisant à faire usage de la cession forcée d’un bien du requérant comme modalité de versement de la prestation compensatoire, sans avoir à tenir compte de l’importance de son patrimoine, ni de sa volonté de proposer d’autres biens à titre de versement. »

Elle juge que cette mesure de privation de propriété (article 274 du code civil) n’est pas compatible avec la convention européenne des droits de l’homme, qui garantit à toute personne physique ou morale le droit au respect de ses biens. « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international » (protocole n° 1 de la convention).
La France avait indiqué que l’ingérence dans le droit de propriété d’une cession forcée pour le paiement de la prestation compensatoire poursuit un but légitime conforme à l’intérêt général (« compenser les fortes disparités que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie des époux »). La CEDH ne le conteste pas et confirme d’ailleurs ce point, considérant que  le transfert de propriété forcé, intégral et définitif constitue une ingérence dans le droit au respect des biens du requérant, qui avait une base légale en droit interne et poursuivait le but légitime de régler rapidement les effets pécuniaires du divorce et de limiter le risque de contentieux ultérieurs. Elle rappelle néanmoins qu’un « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé » doit être respecté, « y compris pour les mesures privant une personne de sa propriété ».
La Cour s’appuie même sur des dispositions de droit interne français, une décision du Conseil constitutionnel du 13 juillet 2011, qui avait jugé que « l’atteinte au droit de propriété qui résulte de l’attribution forcée prévue à l’article 274 du code civil ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d’intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d’exécution de la prestation compensatoire en capital ». Or, dans l’affaire soumise à la Cour européenne des droits de l’homme, l’époux concerné disposait d’un patrimoine suffisant pour s’acquitter de la prestation compensatoire par le versement d’une somme d’argent et non par l’abandon de ses droits de propriété sur un bien lui appartenant en propre.