En matière de procédure de divorce, seul un fondement peut être invoqué dans le cadre de l’assignation en divorce et dans les conclusions ultérieures. La Cour de Cassation dans un arrêt du 12 juillet 2017 revient sur ce principe énoncé à l’article 1077 du Code de procédure civile qui rappelle que « La demande ne peut être fondée que sur un seul des cas prévus à l’article 229 du Code civil ».

Un seul fondement à une procédure de divorce

L’assignation en divorce qui marque la seconde partie de la procédure de divorce ne peut comporter qu’un seul fondement:

  • divorce pour faute;
  • divorce pour altération définitive du lien conjugal;
  • divorce pour acceptation de la rupture du mariage.

S’agissant du dernier cas, il faut rappeler qu’à partir du moment où vous avez signé un procès-verbal d’acceptation à l’audience de conciliation ou à la suite du divorce, le divorce pour acceptation de la rupture du mariage est la seule procédure de divorce envisageable. Si vous découvrez par exemple l’adultère de votre conjoint et que vous avez déjà signé le procès-verbal en question, il n’y a d’autre solution que d’attendre l’expiration de la validité de l’ordonnance de non-conciliation et de recommencer la procédure de divorce depuis le début. Cela signifie aussi que pendant cette période, le risque pèse que votre conjoint relance de son côté la procédure en vous assignant. Vous ne pourrez alors pas non plus vous fonder sur un autre motif que le divorce accepté.
Dans l’affaire qui nous concerne ici, la Cour de Cassation a cassé un arrêt de la Cour d’Appel de Rennes qui avait prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal après avoir relevé qu’aucun élément ne permettait de justifier la faute des époux. Si votre époux comme vous même décidez de partir chacun sur un divorce pour faute, vous avez un risque de ne pas être divorcé à la fin de la procédure. Il faut effectivement démontrer la faute. Si aucun de vous d’eux n’y arrive, le juge aux affaires familiales constatera qu’il n’y a pas lieu à divorce. Si certains magistrats ont tendance à prononcer un divorce aux torts partagés dans ce cas de figure, le risque reste néanmoins grand de voir vos demandes rejetées d’un côté comme de l’autre.

Impossibilité de changer de fondement en cours de procédure

A partir du moment où l’assignation en divorce vise un fondement, il n’est pas possible en cours de procédure de divorce de changer de fondement si des éléments nouveaux sont intervenus ou si vous avez constaté par exemple que celui-ci ne tenait pas la route.
Il n’est pas possible non plus de changer de fondement entre la première instance et l’appel (exemple de prohibition de la substitution en appel d’un divorce pour altération définitive du lien conjugal à un divorce pour faute en première instance : Civ 1ère, 19 mars 2014).
Il existe néanmoins de nombreuses exceptions pratiques à ce principe strict :

  • la décision de basculer vers un divorce par consentement mutuel en cours de procédure ;
  • lorsque le divorce a été demandé pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, on peut demander au juge de constater votre accord pour un divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage
  • en cas d’une instance pour altération définitive du lien conjugal, le défendeur demande reconventionnellement le divorce pour faute, le demandeur peut invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande

 

Seule solution de régularisation, une nouvelle assignation en divorce

Quand bien même le fait d’avoir visé deux fondements dans l’assignation en divorce ne vous porterait pas préjudice à l’un comme à l’autre, le juge aux affaires familiales est en droit de constater la nullité de votre procédure de divorce. Il ne s’agit pas en effet d’un vice de forme mais d’une règle de fond du divorce (Civ. 2ème 1er juin 1987).
Dans le cas où votre assignation en divorce viserait deux fondements (on parle de demande principale et demande subsidiaire), il n’existe qu’un seul moyen pour régulariser la procédure : déposer une nouvelle assignation en divorce dans laquelle on renonce à sa demande subsidiaire.
La Cour de Cassation a déjà pu décider qu’était régularisée une procédure dans laquelle une seconde assignation en divorce exprimait la renonciation à une demande subsidiaire en divorce pour rupture de la vie commune, laissant uniquement subsister une la demande principale en divorce pour faute (Civ. 2ème 13 juillet 2000). Par conséquent, dans ce cas de figure la nouvelle assignation régularisera votre procédure.

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Références

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 12 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-21797
Non publié au bulletin Cassation
Mme Batut (président), président
SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Le Bret-Desaché, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un jugement a rejeté les demandes en divorce formées par M. X… et Mme Y… ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 16 et 783 du code de procédure civile ;
Attendu que les conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture par lesquelles une partie demande la révocation de celle-ci, ou le rejet des débats des conclusions ou productions de l’adversaire, sont recevables ;
Attendu que, pour statuer sur les demandes respectives des parties, l’arrêt vise les conclusions de M. X… du 11 décembre 2015 et celles de Mme Y… du 21 décembre suivant ;
Qu’en statuant ainsi, sans se prononcer sur les conclusions de Mme Y… déposées après l’ordonnance de clôture du 5 janvier 2016 pour solliciter le rejet de pièces communiquées par son adversaire la veille de cette ordonnance, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles 229 du code civil et 1077 du code de procédure civile ;
Attendu que, selon le second de ces textes, la demande en divorce ne peut être fondée que sur un seul des cas prévus au premier et la demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas est irrecevable ;
Attendu que l’arrêt prononce le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal après avoir rejeté leurs demandes respectives de divorce pour faute ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la demande en divorce pour faute formée par M. X… rendait irrecevable celle fondée sur l’altération du lien conjugal, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 avril 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme Y… la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Leduc et Vigand, avocat aux Conseils, pour Mme Y….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé, du chef de l’altération définitive du lien conjugal, le divorce de Monsieur Z… et de Madame A… ;
AUX MOTIFS QUE dans ses dernières écritures du 21 décembre 2015, Madame Dolorès Y… demande à la Cour de :
– réformer le jugement dont appel ;
– déclarer les pièces adverses 45, 46, 47, 48, 49, 50, 108 irrecevables sur le fondement de l’article 259-1 du Code civil ;
– déclarer les pièces adverses 16, 23, 27 irrecevables, s’agissant de courriers émanant de Monsieur X… lui-même ;
– à tout le moins, dire que les pièces adverses 16, 23, 27 sont dépourvues de toute valeur probante, s’agissant de courriers émanant de Monsieur X… lui-même ;
– débouter Monsieur X… de sa demande d’irrecevabilité des pièces 52,97, 116 ;
– débouter Monsieur X… de sa demande principale en divorce sur le fondement de l’article 242 du Code civil ;
– recevoir Madame Y… en sa demande reconventionnelle et la dire bien fondée ;
– en conséquence, prononcer le divorce d’entre les époux X…/Y… aux torts exclusifs de Monsieur X…, avec toutes suites et conséquences de droit, sur le fondement des articles 242 et suivants du Code civil ;
– ordonner la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux et désigner Maître Cyril B…, notaire à Quimper, pour procéder aux opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux ;
– fixer la date des effets du divorce au 19 mai 2009, selon l’accord des parties ;
– condamner Monsieur X… à verser à son épouse, eu égard à son âge et à son état de santé, qui ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins, une prestation compensatoire sous la forme d’une rente viagère mensuelle de 1.800.000 €, avec indexation au 1er janvier de chaque année ;
– à titre subsidiaire, condamner Monsieur X… à verser à son épouse une prestation compensatoire sous la forme d’un capital de 300.000 €, net de tout droit d’enregistrement qui seront laissés à sa charge ;
– condamner Monsieur X… à verser à son épouse une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ;
– débouter purement et simplement Monsieur X… de sa demande de dommages-intérêts fondée sur l’article 1382 du Code civil ;
– condamner Monsieur X… à verser à son épouse la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts, sur le fondement de l’article 266 du Code civil ;
– condamner Monsieur X… au paiement des dites sommes majorées des intérêts de retard à compter de la décision à intervenir ;
– à titre très subsidiaire, si la Cour déboutait les époux de leurs demandes de divorce, condamner Monsieur X… à verser à Madame Y… une contribution aux charges du mariage de 1.800 € par mois, sur le fondement de l’article 258 du Code civil ;
– condamner Monsieur X… à verser à son épouse une somme de 5.000 €sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le débouter de sa demande présentée sur ce même fondement ;
– le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la SELARL SIAM Conseil, sur son affirmation de droit ;
ALORS QUE le juge doit statuer sur les conclusions déposées postérieurement à l’ordonnance de clôture par lesquelles une partie demande le rejet des débats des conclusions ou productions de dernière heure de l’adversaire ; qu’en statuant au visa des seules conclusions de fond du 21 décembre 2015 déposées par Madame Y…, sans viser ses conclusions de procédure déposées le 6 janvier 2016, soit le lendemain du prononcé de l’ordonnance de clôture, qui demandaient le rejet des débats des pièces 117 et 118 produites par Monsieur X… la veille de la clôture, ni statuer sur cette demande, la Cour méconnaît les exigences des articles 455 et 954 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé, du chef de l’altération définitive du lien conjugal, le divorce de Monsieur Z…, et de Madame A…, Y… ;
AUX MOTIFS QUE la Cour observe qu’alors que la communauté de vie entre les époux a cessé le 19 novembre 2008, l’assignation en divorce a été délivrée le 16 novembre 2011, soit plus de deux ans après la séparation entre l’appelant et l’intimée ; que dès lors la demande subsidiaire en divorce pour altération définitive du lien conjugal, présentée par Monsieur Daniel X…, sur le fondement des dispositions des articles 237 et 238 du Code civil, est recevable ; qu’il y sera fait droit ;
ALORS QUE l’époux qui prend l’initiative de demander le divorce en raison de l’altération définitive du lien conjugal et décide, en réplique à la demande reconventionnelle de son conjoint en divorce pour faute, de renoncer à sa demande initiale pour seulement solliciter le divorce aux torts de ce dernier ne peut revenir sur ce choix opéré en première instance et est irrecevable à formuler subsidiairement une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal en cause d’appel ; qu’en retenant que la demande subsidiaire en divorce pour altération définitive du lien conjugal, présentée par le mari sur le fondement des dispositions des articles 237 et 238 du Code civil, était recevable et en y faisant droit, quand cette demande, à laquelle l’époux avait renoncé en première instance, était formulée pour la première fois à titre subsidiaire en appel, la Cour viole les articles 12 et 1077 du Code de procédure civile, ensemble l’article 247-2 du Code civil.


ECLI:FR:CCASS:2017:C100898

Analyse

Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes , du 19 avril 2016