La faute intentionnelle

Lorsque l’accident de travail est la conséquence d’une faute intentionnelle de l’employeur ou d’un autre salarié de l’entreprise, la victime peut réclamer devant les tribunaux la réparation de la part du préjudice qui n’est pas prise en charge par la Sécurité sociale.

Pour qu’il y ait faute intentionnelle, il faut que l’auteur de la faute ait réellement voulu la réalisation du dommage qui en est la conséquence. C’est le cas par exemple lorsqu’un employeur, sous le coup de la colère, frappe un employé (ou inversement) ou lorsque le salarié, au cours d’une rixe sur les lieux de travail, frappe l’un de ses camarades.

Dans ces différents cas, l’employeur est souvent jugé civilement responsable de l’accident, c’est donc lui qui doit réparer la part du préjudice qui n’est pas prise en charge par la Sécurité sociale.

Dans le cas d’un accident du travail dû à une faute intentionnelle d’un préposé, notamment en cas de coups portés volontairement par un autre salarié de l’entre­prise, il est permis à la victime, selon la jurisprudence, de demander la réparation du dommage, tant à l’auteur de la faute intentionnelle qu’aux personnes civilement responsables (c’est-à-dire à l’employeur) dès lors que la faute se rattache à l’exécu­tion du contrat de travail.

Mais les caisses de Sécurité sociale ne sont pas admises à intenter une action en remboursement des sommes payées par elles contre l’auteur de l’accident et ne peu­vent exercer aucun recours contre l’employeur.

La victime d’un accident de travail dû à une faute intentionnelle peut réclamer à celui qui en a été jugé responsable :

  • la différence entre les indemnités journalières et son salaire ;
  • la différence entre le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) et le montant de la rente ;
  • la réparation des préjudices personnels (esthétique, d’agrément, moral, pretium doloris à douleur physique) qu’il a subis.

La faute inexcusable

La faute inexcusable est définie par la jurisprudence comme un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité alors qu’il avait ou devait avoir conscience du danger qu’il faisait courir à ses salariés et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver. Cette définition novatrice, formulée en faveur de la veuve d’une victime de maladie professionnelle due à l’amiante, appelle quelques explications :

  • l’obligation de sécurité de l’employeur envers ses salariés ne s’entend pas comme une obligation de moyens (il ne peut se contenter de prendre quelques précautions pour éviter les accidents), mais comme une obligation de résultats (il doit mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour assurer effectivement cette sécurité) ;
  • pour qu’il y ait faute inexcusable, il est également nécessaire que l’employeur ait eu conscience du danger qu’il faisait courir à ses salariés. S’il n’a pas eu effective­ment cette conscience, du moins aurait-il dû l’avoir du fait de son obligation de con­naître les règles de sécurité.

Ainsi, en matière d’amiante, la faute inexcusable a été reconnue pour les employeurs qui fabriquaient de l’amiante et devaient donc savoir que cette matière exposait leurs salariés à des maladies professionnelles (tableau 30). La Cour de cassation n’a, en revanche, pas retenu la faute inexcusable pour un employeur qui utilisait l’amiante comme matériau pour protéger son personnel (vêtements en amiante contre la cha­leur).

Déjà, dans le cas d’un accident survenu sur une presse maintenue en activité malgré l’avarie du système de sécurité, les tribunaux ont jugé qu’il y avait « faute inexcusable », car le responsable de la direction n’avait pas pu, en technicien averti qu’il était (ou qu’il aurait dû être), ignorer l’évidence du danger.

La faute inexcusable de l’employeur a également été reconnue en matière de harcè­lement moral au sujet de la tentative de suicide d’une femme de ménage, tentative de suicide ayant déjà été reconnue comme accident du travail deux ans auparavant.

Lorsque l’accident du travail ou la maladie professionnelle est dû à une faute inex­cusable, la victime (ou ses ayants droit) peut prétendre à une indemnisation com­plémentaire dans les conditions suivantes :

  • majoration des rentes versées par la Sécurité sociale. Cette majoration est versée par la caisse de Sécurité sociale. Celle-ci en récupère le montant en imposant une cotisation supplémentaire à l’employeur responsable de l’accident ;
  • la victime a également le droit de demander à l’employeur la réparation des préju­dices personnels qu’elle a subis ;
  • en cas de décès de la victime, ses ayants droit peuvent demander, outre la répara­tion des préjudices qu’ils ont subis personnellement du fait du décès, la réparation du préjudice personnel de la victime.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.

IMPORTANT

L’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur se prescrit dans le délai de deux ans. Ce délai est toutefois interrompu par :

  • une action pénale engagée pour les mêmes faits ;
  • une demande de la victime auprès de sa caisse de Sécurité sociale ;
  • une action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident. Dans ces cas, un nouveau délai de deux ans court à compter de la fin de ces procédures.

Aucun délai ne s’applique aux victimes de l’amiante.