Le droit de grève est reconnu par la Constitution. Il n’existe toutefois pas de définition légale de la grève. C’est la jurisprudence qui a été amenée, au fil de ses décisions, à définir la grève comme v la cessation collective et concertée du travail par le personnel d’une ou de plusieurs entreprises en vue de faire aboutir des reven­dications professionnelles.

Chacun des termes de cette définition a son importance car il permet de déterminer si une action menée par les salariés d’une entreprise est licite ou non.

La cessation complète du travail

La cessation du travail est la caractéristique essentielle de la grève. Encore faut-il que cette cessation du travail soit complète.

Une exécution du travail au ralenti ou dans des conditions volontairement défec­tueuses, sans véritable interruption de l’activité (grève perlée), est ainsi considérée comme illicite.

De même, les salariés ne peuvent limiter leur grève à une obligation particulière de leur contrat de travail : grève des heures supplémentaires, des heures de garde de nuit ou des astreintes, etc.

En revanche, à partir du moment où la cessation du travail est complète, aucune condition de durée minimale n’est requise. Des arrêts de travail de courte durée (débrayages, grèves répétées ou grèves d’avertissement) sont permis.

Toutefois, les débrayages répétés qui entraînent une désorganisation de l’entreprise dans son ensemble et non pas uniquement de la production, qui se traduisent pour l’employeur par une perte supérieure à ce qu’aurait coûté une grève continue d’une durée égale à la totalité des débrayages ou qui procèdent à la volonté de nuire à la situation économique de l’entreprise peuvent être considérés comme illicites. Comme les débrayages, les grèves tournantes qui affectent tout à tour les différents ateliers ou services d’une entreprise (grèves tournantes horizontales) ou diverses catégories professionnelles (grèves tournantes verticales) ainsi que les grèves bou­chons qui affectent une partie d’une importance névralgique pour l’entreprise peu­vent être considérées comme illicites si elles désorganisent totalement l’entreprise. À noter : les grèves tournantes sont interdites dans le secteur public.

La cessation collective du travail

Selon la jurisprudence, la cessation du travail d’un seul salarié ne peut être qualifiée de grève, sauf si celui-ci s’associe à une grève nationale ou s’il est l’unique salarié de l’entreprise. Hormis ces cas, aucune règle précise ne fixe un pourcentage minimum à partir duquel on peut considérer qu’il y a cessation collective du travail. La grève peut être limitée à un établissement de l’entreprise, à un atelier, à une catégorie professionnelle ou à une fraction du personnel, même minoritaire. L’arrêt de travail décidé par deux salariés pour revendiquer une augmentation de salaire a ainsi été considéré comme licite.

Même si la majorité des grévistes s’est prononcée pour la reprise du travail, une frac­tion minoritaire peut très bien décider de continuer la grève. En revanche, a été jugée illicite la poursuite de la grève par une très petite minorité de salariés alors que la majorité du personnel avait repris le travail, considérant leurs revendications satis­faites.

La cessation concertée du travail

La grève suppose une entente préalable entre les grévistes.

Dans la plupart des cas, les salariés obéissent à un appel des organisations syndica­les, soit dans le cadre de l’entreprise, d’un établissement, d’un atelier ou d’un ser­vice, soit au niveau national dans le cadre professionnel ou interprofessionnel.

Une grève décidée par la base, sans appel préalable des organisations syndicales (grève sauvage), est également licite à partir du moment ou la cessation du travail est collective, concertée et fondée sur des revendications professionnelles.

Des revendications d’ordre professionnel

Pour que la grève soit licite, les tribunaux exigent qu’elle soit exercée en vue de satisfaire des revendications d’ordre strictement professionnel présentées à l’employeur (demande d’augmentation de salaire, de paiement de primes ou des heures supplémentaires, revendications concernant les conditions de travail, les droits syndicaux ou encore réaction face à une annonce de compression d’effectifs). La grève purement politique, qui consiste à protester contre une décision de la puis­sance publique (décision de justice, administrative, militaire ou gouvernementale, par exemple) constitue un mouvement illicite. La Cour de cassation admet cepen­dant « les grèves mixtes », c’est-à-dire celles qui consistent à protester contre les aspects économiques et sociaux de la politique de l’État ayant des conséquences directes sur le terrain professionnel, les conditions de salaires ou l’emploi. Ce fut par exemple le cas des grèves contre le « Plan Juppé » de réforme des retraites en 1995.

Les grèves de solidarité, pour lesquelles les salariés ne présentent pas de revendica­tions personnelles mais agissent pour soutenir d’autres salariés de l’entreprise ou des travailleurs étrangers à celle-ci, sont licites dès lors qu’elles ont pour but de défendre des intérêts professionnels et collectifs du personnel. Ainsi, lorsque des salariés déclenchent une grève de solidarité pour protester contre le licenciement d’un collègue, les tribunaux examinent la cause du licenciement. Si le licenciement est justifié (refus du travail, injure…), les juges estiment que l’intérêt de l’ensemble du personnel n’est pas mis en cause. En revanche, face à un licenciement abusif, discriminatoire ou si le salarié a été licencié pour un fait qui concerne également les autres membres du personnel (soutien de salariés licenciés pour avoir prolongé leur congé au-delà de la date fixée par l’employeur, la suppression du fractionnement des congés ayant été revendiqué en vain par le personnel, par exemple), les juges considèrent que les grévistes ont agi dans l’intérêt collectif.

La grève de solidarité dépassant le cadre de l’entreprise est également licite lorsqu’elle a pour but de défendre des droits communs à une branche profession­nelle ou à l’ensemble des salariés.

Les conséquences d’une grève illicite

Les arrêts de travail ne répondant pas à la définition de la grève sont considérés comme illicites. Les salariés participant à de tels mouvements commettent une faute professionnelle qui peut être sanctionnée par l’employeur. La sanction peut aller jusqu’au licenciement pour faute lourde.

Bien évidemment, les salariés participant à un mouvement illicite ne peuvent pré­tendre aux mesures protectrices réservées aux travailleurs qui exercent leur droit de grève dans des conditions normales.

ATTENTION

Pour des raisons évidentes de sécurité publique, la grève est interdite pour les CRS, le personnel de police, les services extérieurs de l’administration pénitentiaire, les militaires, ainsi que pour les magistrats.